Un entretien avec Guy Corneau, paru dans le n°256 de Psychologies magazine, nous indique que ce qui stimule le meilleur en nous, c’est le plaisir…et oui…
Oui, c’est la maîtrise progressive de quelque chose qui nous fait vibrer
Ce plaisir de progresser dans ce que l’on aime vraiment est plus important pour l’estime de soi qu’exercer un métier socialement reconnu, mais qui ne fait pas vibrer. C’est là qu’est le problème: beaucoup de gens sont incapables de reconnaître qu’ils sont sur une voie de garage par rapport à leurs goûts profonds.
L’ennui indique-t-il que nous sommes à côté?
Oui, on n’est pas faits pour s’ennuyer dans son couple, au travail… La vie, ce n’est pas ça.
Regardez les enfants: ils ne voient pas le temps passer, ils vont d’une rafale créatrice à une autre, ils n’ont pas besoin de les inventer. Un ennui récurrent, c’est le signe que je dois trouver une façon de re-stimuler ma vie et de m’animer différemment.
Car, ce dont nous parlons avec le « meilleur de soi », c’est aussi de vitalité.
Lorsqu’on a trouvé son « truc », on est tellement dedans que l’on a soudain moins besoin d’heures de sommeil, on a davantage d’énergie. L’essence créatrice, c’est d’abord une sensation: je me sens dans mon monde, dans ma force, porté dans mon enthousiasme, je me sens une ferveur, une passion. ça devrait être notre façon naturelle de vivre.
Comment se reconnecter à ça?
* Lorsqu’on a perdu le contact avec ses talents, avec ses dons, il faut vraiment se permettre des longs temps de repos, de rêveries, où l’on va pouvoir se demander: « Qu’est-ce qui me fait vibrer? Qu’est-ce qui me donne le goût de vivre? »
Peu importe le résultat, peu importe ce que les autres en pensent… Des réponses d’abord très générales, très vagues, vont alors monter en soi: « ce qui me plaît, c’est le bois, la pierre, le plein air… » Trop souvent, on veut tout de suite concrétiser, or c’est une erreur. Il faut d’abord que je rêve longtemps. Que je rêve éveillé à ce qui me plairait. Je mets de la musique, je prends un bon verre de vin, et je me dis: « Tiens, si je me laissais aller, que je lâchais tout, il n’y a pas de limites, dans quelle direction aimerais-je aller? »
Oui, et à envisager mille pistes insoupçonnées. Si quelqu’un se dit: « J’aime l’enseignement », en réalité, il y a d’innombrables façons d’enseigner.
On peut être enseignant dans une école, mais on peut aussi donner des conférences, des formations pour adultes, écrire des livres, apprendre le jardinage à ses petits-enfants… Avant de se dire: « je veux être ceci », il est très important de se demander: « Qu’est-ce qui m’attire? Que font les gens que j’admire? » Après avoir écouté les mille intuitions qui montent en moi, tranquillement, je pourrai me laisser aller à concrétiser.
Comment y parvenir?
En me demandant d’abord: « Quel va être mon premier pas? »
Mieux vaut commencer par des petites concrétisations, sans bouleverser sa vie au grand complet. Ma proposition, c’est de se dire, avant d’être dans une trop grande souffrance: « Tiens, je vais faire un peu de musique, je vais me remettre au vélo, je vais me faire coacher pour créer ma propre entreprise… Je vais faire un premier pas. »
La progression est essentielle dans ce déploiement de la créativité. Car, si j’avais la sensation d’être passé à côté de moi-même, un trop grand changement risque d’amener une autre peur, la peur d’échouer, et je risque d’être ramené à ma stagnation de départ. Mieux vaut donc y aller progressivement.
Ce n’est pas la façon magique, c’est la façon lente qui apporter une joie très profonde.
C’est la garantie du bonheur?
Il n’y a jamais aucune garantie de rien.
Ce que je sais, c’est que nous sommes là pour éprouver du plaisir et nous déployer.
Si nous tirons le fil de l’élan créateur, nous ne pourrons empêcher les souffrances, les épreuves, les difficultés, mais celles-ci auront soudain moins de prise sur nous parce que nous aurons envie de voir comment continuer à nous déployer. En revanche, si nous perdons le contact avec notre essence créatrice, nous perdons aussi l’envie d’être là. Et la maladie, la dépression, peuvent s’installer…
Retrouver « le meilleur de soi » reviendrait donc à donner du sens à sa vie?
Oui, dans la mesure où, comme le recommandait le philosophe Gaston Bachelard, on peut
« sortir de son narcissisme en allant vers son idéal ».
Le meilleur de nous se déploie quand nous marchons vers des accomplissements qui ont du sens pour nous, quand nous orientons nos talents en fonction d’un idéal, quand nous pouvons répondre avec fierté à cette action: « A quoi sert mon action? »
Alors, notre valeur ne se mesure pas aux résultats que nous obtenons, mais c’est notre contribution à ce qui nous dépasse qui importe.
En ce sens, une mère qui crée une belle relation avec ses enfants, ou un homme et une femme qui cherchent à maintenir une parole authentique dans leur couple, participent à une grande création!
Nous ne sommes pas tous président de la République, mais nous avons tous quelque chose à apporter au monde… du moment que nous maintenons allumée la flamme créatrice de notre être.